Un Ventre plein n'aime pas étudier?

Les élèves ne seront pas d'accord, et c'est pourquoi la restauration scolaire suscite souvent plus d'émotion que les cours eux-mêmes. Pourquoi c'est pas comme "Chez Maman"? Pourquoi c'est si cher, toujours la même chose, pourquoi les bonnes choses sont toujours pour les autres? Plume a suivi le responsable de restauration Jean-Louis Guillou dans son travail à Notre Dame de Sion.

Il est huit heures du matin, quelques élèves traînent devant la porte mais c'est encore calme. L'école, c'est dans trente minutes. Pas pour la cuisine: Le chef est en train de réceptionner les marchandises. Contrôle des quantités, des dates de limite de consommation, vérification de la qualité. Deux yaourts sont prélevés des livraisons - 400 sont commandés aujourd'hui. Un thermomètre digital perce le couvercle: contrôle de température. Le résultat est satisfaisant: 7° maximum sont permis pour respecter la fameuse "chaîne du froid". Le résultat est inscrit sur la feuille de réception. "Nous devons faire un test par livraison, et le Labo de contrôle vérifie si nous avons noté les résultats" explique le chef.

La journée a d'ailleurs bien commencé. La première étape est la vérification des chambres froides: toute la marchandise est-elle en bon état? Après, c'est la préparation du petit déjeuner pour la cafétéria: L'offre doit être attrayante, les élèves choisissent librement un des produits offerts. Ce n'est qu'ensuite que commence la préparation des repas.

À l'entrée en cuisine, le premier regard se porte non pas sur des casseroles fumantes mais sur deux ordinateurs. Le modem clignote et transmet des données vers le système central. Les listings de contrôle sont établis pour les achats du jour. Les EMails apportent l'information. Le bon vieux journal de cuisine a laissé la place à ses confrères digitaux.

Le chef gère une équipe de neuf personnes. Il dispose de douze à treize francs par client et par jour pour acheter la nourriture - légèrement au-dessus de la moyenne nationale avec dix à onze francs. 1100 couverts sont servis chaque jour, 750 au self et 350 à la cafétéria. 

Le self offre chaque jour un choix de quatre entrées, deux plats avec viande/poisson, féculant et légume/salade, quatre fromages et quatre desserts.

Le restaurant scolaire est assuré en restauration concédée par la société Avenance, société issue de la fusion de la Générale de Restauration et d'Orly Restauration, faisant elle-même partie du groupe Elior, qui regroupe en France, entre autres, les restaurants d'autoroute "Arche" et les sandwicheries "Pomme de Pain". Elior est coté en bourse et les employés sont aussi des actionnaires.

L'équipe: Nbufa Ngongi (Responsable vaisselle) - Jean-Louis Guillou – Marthe Andriarimalala (Responsable des entrées) - Maria Nunes – Catherine Edi - Isabelle Crison – Sabrina Nalenne – Delphine Langou (Responsable Caféteria) - Maria Nabais - Ascencion Nabais

Mais pourquoi le repas n'est-il jamais comme "Chez Maman"? Une cuisine collective a bien sûr ses propres contraintes. Impossible de faire un soufflé, qui, à la maison, sort du four et se retrouve sur la table 30 secondes plus tard. Toute l'offre doit être préparée à l'avance et rester présentable durant le temps de distribution. Un tel nombre de couverts permet cependant d'offrir un choix de quatre entrées. "Mais le choix des élèves est souvent répétitif. Si l'on offre un éclair pour le dessert, il en faut un pour tout le monde, et il faut empêcher d'en prendre deux. Très populaires aussi les gaufres. Les élèves demandent des choses simples. Une variation a été tentée avec un plat de qualité, un bœuf braisé sauce dijonnaise; seules 20 portions furent servies au profit des chipolatas. Le problème est similaire en cafétéria: Pour varier, on a offert de la Lasagne mais la capacité de four n'a pas permis de faire de la pizza le même jour. Nombreux furent les déçus par manque de pizza."

Et pourquoi certains ont droit à un dessert qui n'était pas disponible pour les autres? Explication facile: "Il y a un minimum de choix entre deux choses. Vers la fin du service, l'une des offres initiales est souvent épuisée - il faut compléter par des réserves. On sort alors cinquante glaces du frigo ou on complète avec des frites même si le menu prévoyait riz et yaourt. Et les élèves qui sont passés quelques minutes avant sont déçus, ils auront de la chance la prochaine fois .. Mais on connaît les goûts des élèves. Si on prévoit quelque chose de populaire, on en stocke en quantité." Preuve à l'appui, Plume jette un coup d'œil dans un frigo où attendent 700 glaces pour le dessert du midi.

Il y a aussi la gestion des reliquats: "Un jour, il y a eu une sortie imprévue. Une certaine quantité de veau est donc restée dans les congélateurs qu'il faudra proposer un de ces jours, mais dont il n'y aura pas pour tout le monde. On essaie d'estimer la répartition des choix. Mais la demande n'est pas la même s'il pleut ou s'il fait chaud. Alors certains plats s'épuisent plus vite que prévu, il faut combler le déficit pour maintenir le choix. Et tout ce qui est préparé et non consommé à la fin du repas doit être jeté: une perte d'argent qui manque aux achats du jour prochain. C'est pourquoi on préfère commander un petit peu moins que nécessaire et rester libre de combler avec la production propre. Ceci explique que les menus peuvent varier. Et parfois on n'a pas de chance. Pour la chandeleur, on a prévu des crêpes. Mais le livreur est resté bloqué par une manifestation et on est tombé en panne de dessert. Les crêpes ont été servies plus tard, mais les élèves ont été déçus."

Comment sont choisis les menus? "D'abord, il y a la proposition Avenance Repas scolaire privé. Une diététicienne et certains gérants de restaurants à tour de rôles, établissent ensemble une proposition de menu. Ensuite, il y a l'offre de la cuisine centrale de Corbeil également gérée par Avenance. Le responsable est libre de choisir et de varier avec ses propres achats. 21 jours avant il faut passer les commandes. Les entrées, les fromages et desserts sont plutôt des commandes directes. Pour produire, il y a des contraintes de capacité: on peut faire huit kilos de riz nous-mêmes, mais pas trente. C'est alors la cuisine centrale qui prépare." (Exemple de menu hebdomadaire)

Question: "Repas scolaire privé" - quelle différence avec le public? "Dans le public, c'est la cuisine centrale qui détermine l'offre complète. Dans le privé, il y a concurrence, et la cuisine centrale doit être compétitive."

L'école à récemment fait un investissement lourd dans la cuisine. Les sols et murs ont été refaits, les machines remplacées. "On a changé pour la liaison froide. Les mets préparés à l'extérieur arrivent sous vide le soir et sont remis à température le jour même. Ceci est un gain de temps et permet une réduction de la surface de cuisine - et a permis d'installer une nouvelle salle informatique".

Pourquoi le repas est si cher à NDS? Le repas coûte le même prix que dans le secteur public ou dans un restaurant d'entreprise, mais il n'y a pas la subvention, qui tourne souvent autour de 25 francs et est payée par l'état ou l'employeur. En dehors de la matière première, il y a l'eau et l'électricité, les machines, la vaisselle et les frais de personnel - surcoût des 35 heures inclus.

Et l'hygiène dans tout ça? La grande peur de tous les responsables est un problème de santé. Alors les normes sont strictes. Une fois par mois, un laboratoire vient à l'improviste pour vérification. Le résultat est transmis à l'intendance et à l'infirmière. Les vérifications quotidiennes sont contrôlées. Le port du gant et de la charlotte ou calot pour la préparation est obligatoire. "Mais gant et charlotte/calot ne sont pas obligatoires en distribution - on ne touche pas les mets avec les doigts. Mais: on peut mettre des gants et ainsi toucher la nourriture. Alors les clients vont me voir avec des gants parce que je viens de la cuisine pour une minute, et trois minutes après, j'ai les ai jetés parce que j'ai touché quelque chose de sale et je suis au buffet sans gants comme c'est autorisé. Ca prête souvent à confusion concernant le respect des règles."

Jean-Louis Guillou

Responsable de Restauration

Et quel est le développement vers l'avenir? Maître Guillou est convaincu: "NDS a pris une bonne avance par rapport à d'autres écoles. La séparation entre le traditionnel et le rapide, le complément du self avec une cafétéria et son offre de pizza, Panini et autres sont autant de réalisations d'avant garde. Ceci permet de mieux concurrencer les offres hors école. Maintenant il va falloir trouver d'autres offres: cuisine grecque, sandwich américain… pour maintenir l'avance." Même au restaurant scolaire, on est à l'écoute du client.

 



Maj le 15. août 2003 par jh